Trajectoires pour les espaces ruraux
Remarque générale: Il n’existe pas de solutions uniques et chaque situation présente des contraintes ou contextes singuliers. Néanmoins on peut retenir ici les enjeux communs de ces hypothèses et le cheminement d’adaptation qu’ils sous-tendent.
Comment décrire l’évolution du paysage que l’on voit et expliquer en quoi cela contribue à réduire les vulnérabilités liées à l’eau ?
En résumé
A - Ce qui se voit sur la maquette :
A1 Fin de l’étalement urbain et densification des espaces bâtis
A2 Désimperméabilisation et renaturation
A3 Toitures habitées et végétalisées
A4 Restauration des milieux humides et renaturation des berges
A5 Amélioration des traitements et recyclage des eaux usées
B - Ce qui ne se voit pas sur la maquette :
B1 Evolution des modèles agricoles
B2 Renforcement de la protection des périmètres de captages
B3 Réduction de la consommation d'eau
B4 Déraccordement des eaux pluviales
B5 Réduction des fuites
B6 Eau virtuelle
B7 Qualités des programmes de construction
B8 Sensibilisation
B9 Education
En détails:
A - Ce qui se voit sur la maquette :
A1 - Fin de l’étalement urbain et densification péri-urbaine intelligente :
On peut constater l’effet de l’arrêt de l’étalement urbain sur les parcelles agricoles. On constate également la densification du tissu périurbain. Cela semble contradictoire avec un avenir “désirable” mais il faut regarder cette dynamique sur plusieurs échelles :
À l’échelle du bassin versant : la densification du tissu urbain existant permet de limiter l’étalement urbain sur les zones agricoles situées à l’amont du bassin versant. Chaque bloc jaune représentant autant de logements supplémentaires qui n’iront pas détruire des sols agricoles ou naturels. L’enjeu est majeur pour l’agriculture, les émissions de CO2, la biodiversité et l’impact sur le grand cycle de l’eau.
À l’échelle du quartier, on remarque plusieurs détails :
les cœurs d’ilots en pleine terre sont majoritairement préservés et diversifiés (réintroduction de surfaces agricoles – agriculture urbaine)
Ils sont utilisés pour infiltrer l’eau des toitures existantes (voir Déraccordement)
les toitures nouvelles sont majoritairement végétalisées et conçues pour réguler les eaux pluviales ( voir Toitures végétalisées)
les sols sont désimperméabilisés pour infiltrer l’eau et renaturer le quartier ( voir Désimperméabilisation et renaturation)
La densification des espaces construits dans le secteur rural peut réduire considérablement les vulnérabilités liées à l’eau si les critères de construction remplissent de hauts niveaux d’exigence avec un accompagnement renforcé.
A2 - Désimperméabilisation et renaturation :
La désimperméabilisation des sols consiste à retrouver la perméabilité des surfaces qui ont été rendues imperméables par des activités humaines, comme la construction de routes, de parkings ou de bâtiments. L’imperméabilisation se produit lorsque des matériaux tels que le béton, l’asphalte ou d’autres revêtements empêchent l’eau de s’infiltrer dans le sol, ce qui perturbe le cycle naturel de l’eau.
Les bénéfices sont multiples :
1. Réduction des risques d’inondation : En permettant à l’eau de s’infiltrer dans le sol plutôt que de s’accumuler à la surface, on diminue les risques de ruissellement excessif et d’inondation dans les zones urbaines.
2. Recharge des nappes phréatiques : L’infiltration de l’eau permet de recharger les nappes souterraines, essentielles pour l’approvisionnement en eau potable et pour maintenir les écosystèmes.
3. Réduction de la pollution : Le ruissellement des eaux pluviales sur des surfaces imperméables emporte souvent des polluants vers les cours d’eau. Avec une meilleure infiltration, le sol joue un rôle de filtre naturel, réduisant la quantité de polluants transportés.
4. Amélioration de la biodiversité urbaine : En remplaçant des surfaces artificielles par des espaces verts, on favorise la biodiversité et le développement d’espaces naturels en ville, ce qui améliore aussi la qualité de vie des habitants.
5. Atténuation des îlots de chaleur : les surfaces imperméables, comme le béton et l’asphalte, absorbent la chaleur et contribuent à l’augmentation des températures en milieu urbain. Désimperméabiliser et végétaliser ces zones aide à atténuer cet effet en rafraîchissant l’air.
A3 - Toitures habitées et végétalisées :
Les toitures végétalisées ont un rôle important dans la régulation des eaux pluviales, car elles ralentissent le ruissellement.
Cela réduit les risques d’inondation et la saturation des réseaux.
Elles sont plus ou moins performantes sur la gestion de l’eau pluviale en fonction de l'épaisseur et de la nature du substrat ainsi que de l’usage ou non de système de stockage et de régulateur de débit.
A4 - Restauration des milieux humides et renaturation des berges
La restauration des milieux humides et la renaturation des berges réduit la vitesse et le débit de l’eau générés par la canalisation et l’artificialisation des sols.
Ces solutions fondées sur la nature ( SFN ) remplissent de multiples fonctions nécessaires à l’équilibre de l’ensemble du bassin versant:
- Réduction des inondations (zones d’expansion des crues, marais)
- Infiltration de l’eau dans le sols et recharge des nappes souterraines
- Filtration et épuration naturel de l’eau
- Maintien des niveaux d’eau des rivières et de l’humidité disponible dans le sol en période estivale grâce à la fonction d’éponge de ces milieux
- Réservoir de biodiversité et diversification des paysages
- Réduction de l’impact socio-économique des inondations et sècheresses
- Ilot de fraicheur
Dans le secteur rural et agricole spécifiquement on peut aussi :
- Reméandrer les fossés et cours d’eau
- Recréer des mares, étangs ou petites retenues collinaire dans les vallons pour stocker en lien avec les milieux humides les eaux de ruissellement
- Replanter des haies perpendiculairement à la pente pour limiter l’érosion des sols
A5- Amélioration des traitements et recyclage des eaux usées :
Les stations d’épuration des eaux usées situées dans ou à proximité des espaces agricoles représentent un enjeu stratégique pour la réutilisation des eaux usées urbaines (REUT) pour l’agriculture. Idéalement située, cette réutilisation des eaux usées traitées permettrait de réduire les prélèvements d’eau dans les nappes pour l’agriculture.
Actuellement, l’agriculture est le secteur d’activité qui consomme de loin les plus d’eau notamment pour l’irrigation.
Répartition des consommations en France (données Etat, 2020) ::
- Agriculture : 65% (5,4 Milliard de maître cube /an)
- Énergie : 14%
- Production d’eau potable : 12%
- Industrie et construction : 9%
La marge de progression pour la réutilisation des eaux usées est par ailleurs énorme car aujourd’hui en France seulement 0,6% des eaux usées sont réutilisées pour l’agriculture.
En comparaison, l’Espagne est à 12% et Israël à 85%.
B - Ce qui ne se voit pas sur la maquette :
B1 - Evolution des modèles agricoles
Comme expliqué sur la partie gauche de la maquette, les modèles agricoles industriels qui représentent plus de 70% des pratiques actuelles sont sur un point de bascule (impact majeur sur le grand et le petit cycle de l’eau, vulnérabilité forte face au changement climatique). D’autres modèles plus résilients, comme l’agroécologie, se développent et pourraient à la fois sécuriser les producteurs tout en préservant l'équilibre des ressources en eau, des milieux et de la santé humaine.
Parmi ces modèles, celui de l’agriculture de conservation des sols semble être un premier jalon efficace:
1. Perturbation minimale du sol (réduction du travail du sol ou non-labour) : L’idée est de réduire, voire éliminer, le labour pour préserver la structure naturelle du sol, réduire l’érosion et favoriser l’activité biologique. Cela aide aussi à maintenir le carbone dans le sol, réduisant ainsi les émissions de CO₂.
2. Couverture permanente du sol : Le sol est toujours couvert, soit par des résidus de cultures (comme les pailles), soit par des cultures de couverture (plantes semées pour protéger le sol entre les cultures principales). Cela protège le sol de l’érosion, améliore sa fertilité et régule son humidité.
3. Diversification des cultures (rotation des cultures) : Alterner les types de cultures sur une même parcelle au fil du temps permet de maintenir la fertilité du sol, de prévenir l’apparition de maladies et de réduire la dépendance aux produits chimiques.
Avantages de l’agriculture de conservation :
• Amélioration de la santé des sols : En évitant l’érosion et en augmentant la matière organique, cette approche renforce la résilience du sol.
• Réduction de l’érosion : Les sols protégés par des couvertures végétales et non perturbés sont moins sujets à l’érosion par l’eau et le vent.
• Efficience de l’eau : La couverture du sol améliore la capacité du sol à retenir l’humidité, réduisant ainsi les besoins en irrigation.
• Diminution des émissions de gaz à effet de serre : La réduction du travail du sol permet de stocker le carbone dans les sols.
B2 - Renforcement de la protection des périmètres de captages
Un périmètre de captage est une zone délimitée autour d’un point de captage d’eau (comme un puits, une source ou un forage), qui est destinée à protéger la qualité de l’eau potable captée. Ces périmètres visent à éviter la contamination des ressources en eau souterraine ou de surface par des activités humaines, agricoles ou industrielles pouvant polluer l’eau.
Malgré les dispositifs d’aide comme les programmes Re Source pour accélérer le changement de pratiques agricoles autour des périmètres de captage, on constate que plus de 60% des captages en France ont été abandonnés pour cause de pollution principalement agricole (contamination aux nitrates et pesticides). Ces vingt dernières années, plus de 2500 captages ont été abandonnés.
L’acquisition foncière par les pouvoirs publics sur ces périmètres semble être le mécanisme le plus efficace pour maîtriser les cahiers des charges des pratiques agricoles et sécuriser durablement les approvisionnements en eau.
L’expérience de la ville de Munich est de ce point de vue exemplaire.
B3- Réduction individuelle et collective des consommations d'eau potable et développement de la réutilisation des eaux non potables.
B4- Déraccordement des eaux pluviales :
Le déraccordement (ou déconnexion des eaux pluviales) consiste à déconnecter les systèmes de collecte des eaux de pluie des réseaux d’assainissement ou des égouts. Cela vise à rediriger les eaux pluviales vers des systèmes alternatifs où elles peuvent être infiltrées dans le sol, stockées ou utilisées de manière durable.
Cela permet de :
1. Réduire la pression sur les réseaux d’assainissement : En déconnectant les gouttières, on diminue le volume d’eau entrant dans ces systèmes, réduisant ainsi les risques de saturation et de débordement. Cela est d’autant plus vrai sur des réseaux non séparatifs, c’est à dire où les eaux pluviales sont mélangées aux eaux usées.
2. Améliorer la gestion des eaux de pluie : En redirigeant les eaux pluviales vers des solutions plus naturelles comme l’infiltration dans le sol, les jardins de pluie ou les bassins de rétention, on favorise une gestion durable des précipitations.
3. Préserver les ressources en eau : Les eaux pluviales peuvent être récupérées et réutilisées pour l’irrigation, le nettoyage ou d’autres usages, réduisant ainsi la consommation d’eau potable.
Dans les faubourgs, la majeure partie des habitations et des espaces publics sont raccordés aux réseaux alors que le tissu urbain est composé d’importantes surfaces en pleine terre situées dans les jardins et cœurs d’ilots.
Ce procédé peut être réalisé assez simplement et ne présente pas d’investissements importants. Quelques règles de précautions techniques et études hydrologiques simples permettront de réaliser cette action à fort impact positif pour l’eau.
B5- Réduction des fuites des réseaux d’eau
B6- Eau virtuelle : Favoriser le réemploi et l’utilisation de produits de consommation à faible impact sur l’eau (qualité/quantité).
B7- Qualités des programmes de construction :
Mixité : pour éviter des quartiers monofonctionnels générant des flux pendulaires domicile /travail qui rallongent la ville, les routes et les réseaux, le développement de la mixité des programmes de construction réduit l’impact sur les sols et la ressource en eau.
L’évolutivité et la réversibilité des programmes contribuent à préserver les sols et le cycle de l’eau en limitant leur transformation.
Ex : labels écoquartier, HQE, BDNA, QDNA
B8- Sensibilisation et dispositif anti-pollution : Pour éviter que les déchets ne se retrouvent dans les égouts puis dans la mer, différents dispositifs sont mis en place comme des indications proches des plaques d’égouts pour sensibiliser les habitants au ruissellement.
B9- Education aux Solutions Fondées sur la Nature